L'objectif de cet article est de présenter les principes méthodologiques et théoriques sous-jacents à la programmation de l'entraînement. Ceci implique de définir les différentes charges de travail, dépendantes de l'intensité, du volume et de la fréquence des exercices, ainsi que leur répartition et leurs interactions. Parmi les composantes de la charge d'entraînement, l'intensité de travail et la fréquence des séances apparaissent comme étant les plus fortement corrélées avec la performance. Cependant, un entraînement trop précocement intense (> 20 % des charges au-dessus du seuil lactique) semble être préjudiciable. Le volume est un paramètre devant être analysé sur le long terme (dans la durée d'un plan de carrière) car il permet de stabiliser les acquis, d'automatiser les habiletés motrices et d'améliorer la tolérance à l'entraînement.Il convient pour terminer d'insister sur la variabilité interindividuelle des réponses à l'entraînement. C'est l'état de l'athlète (sa forme, sa fatigue, son expérience, son état psychologique, etc.) qui explique pour une grande part les effets d'une charge externe sur les différents systèmes de l'athlète. Aussi le challenge à relever consiste à mieux analyser cet état pour mieux individualiser l’entraînement.
Afin d'améliorer la performance sportive, l'entraînement consiste en un processus complexe dont les objectifs visent à améliorer les capacités fonctionnelles de l'organisme et à acquérir les savoir-faire techniques, tactiques et psychologiques nécessaires en compétition. Le but de l'entraînement consiste, dans de nombreux sports, à augmenter les capacités à soutenir la vitesse ou à développer la puissance la plus élevée pour une distance ou un temps donné (Hawley, 2002). L'action de s'entraîner implique la répétition d'exercices visant à automatiser l'exécution d'habiletés et aptitudes motrices et à développer les fonctions métaboliques spécifiques à la performance.
Fondements méthodologiques de l'entraînement
De nombreux auteurs spécialistes de la méthodologie de l'entraînement sportif ont proposé dans la littérature spécialisée différents modèles d'organisation des charges de travail. Ces modèles ont été élaborés à partir des connaissances biologiques sur l'adaptation de l'organisme au cours de l'exercice (1) et à partir des expériences pratiques empiriques des entraîneurs dans les différentes disciplines sportives (2). A partir de ces deux types d'information (1)(2) de nombreux schémas et principes de répartition des charges de travail ont été proposés. Des méthodologies scientifiques se sont également attachées aux problèmes de l'organisation des charges de travail principalement dans les pays occidentaux et dans ceux d'Europe de l'Est. Ces dernières étaient finalisées par des objectifs d'amélioration des performances, et revêtaient un caractère systémique.
La position exprimée par Werchoschanski en 1992 semble révélatrice : « les exigences pour parvenir à une programmation et à une organisation efficaces de l'entraînement ne peuvent pas s'acquérir uniquement par la synthèse des résultats des différentes disciplines scientifiques ni en se fondant sur des recherches sporadiques et fragmentaires. Il convient de développer une recherche scientifique diversifiée et systématique permettant de se faire une image complexe du développement de la maîtrise sportive et des conditions objectivement nécessaires à ce développement. La différentiation disciplinaire est tout à fait naturelle pour la science, mais n'est efficace et fiable qu'à la condition qu'elle s'appuie sur un schéma théorique et méthodologique unitaire dans le cadre duquel, d'une part, la recherche scientifique puisse être organisée et dirigée, et d'autre part pour que les données rassemblées puissent être évaluées, généralisées et interprétées. Une autre faiblesse de la recherche méthodologique provient de la généralisation des données empiriques. »
Dans une représentation schématique et systémique de ses différentes propositions , Werchoschanski fait un lien permanent entre les lois de comportement de l'organisme et les caractéristiques de la performance. Cette représentation rejoint notre conception de la préparation sportive, caractérisée par la mise en perspective de trois sous- systèmes : [ celui de l'organisation des charges de travail, celui de la performance et celui de 1' athlète ].
Schéma d élaboration d'une théorie générale de l'entraînement. (Werchoschanski, 1992.) :
Caractéristiques et répercussions des charge d'entraînement
Toutes les définitions de la littérature font référence aux mesures quantitatives de la charge de travail associées à ses répercussions sur l'organisme. Werchoschanski (1992) met l'accent sur la composante externe de la charge de travail comme « grandeur descriptive qui caractérise les efforts du sportif » alors que Matveiv (1983) souligne ses répercussions internes : « une activité fonctionnelle accrue de l'organisme, induite par les exercices, et fonction de leur degré de difficulté ».
La charge d'entraînement interne témoigne de l'intensité de l'entraînement à partir des réactions provoquées de l'organisme. Il est généralement distingué trois types d'effets résiduels des charges de travail :
- l'effet immédiat ou à court terme,
- l'effet différé à moyen terme,
- les effets cumulés à long terme (Platonov, 1988 ; Werchoschanski, 1992).
La charge interne est généralement appréciée à travers un ensemble d'indices, soit subjectifs (Morgan et al., 1987), soit objectifs, tels que la variabilité de la fréquence cardiaque (Pichot et al., 2000) ou les paramètres biologiques (Petitbois et al., 2002 ; Pyne et al., 2001).
La charge externe traduit les aspects quantitatifs, structuraux et dynamiques des exercices d'entraînement. Werchoschanski (1992) propose une représentation relativement complète de l'ensemble des composants de la charge de travail.
Principaux critères et caractéristiques de la charge d'entraînement. (D'après Werchoschanski, 1992.)
Le contenu de la charge d'entraînement.
La charge de travail est la combinaison des quatre éléments suivants (Smith. 2003) :
- intensité de l'exercice permettant de solliciter différentes filières énergétiques ;
- volume de travail permettant de stabiliser ou différer la forme et la fatigue ;
- fréquence des exercices permettant une multitude d'interactions entre les di fférentes sollicitations ;
- la spécificité de la charge, en référence à l'exercice de compétition.
Le contenu de la charge exprime la nature physiologique des exercices de différentes catégories (séances et exercices de développement de la force, de l'endurance ou de la vitesse). Ces exercices peuvent être sur le plan moteur plus ou moins similaires à ceux de la spécialité compétitive, ce dont témoigne le caractère spécifique de la charge. Ces exercices devront de plus être considérés non pas en valeur absolue, mais relativement aux capacités de l'athlète c'est-à-dire en fonction de leur potentiel efficace de développement des qualités de l'athlète. Il est donc nécessaire ici de souligner les relations complexes existant entre l'état (de fatigue et de forme) de l'athlète, la charge d'entraînement et la tolérance (les réponses favorables ou non) de l'athlète à cette charge.
Les effets des charges d'entraînement
il a été montré que les exercices de type aérobie, qui correspondent à un taux de lactate inférieur au seuil d'accumulation du lactate sanguin, permettaient (Wakayoshi et al., 1993) :
- une augmentation de la capacité d'oxydation au niveau cellulaire ;
- une production de lactate moins élevée à une vitesse donnée ;
- une élévation de la vitesse critique ;
- une augmentation de la capacité de travail associée à un recul du seuil de fatigue.
Les charges de type mixte, qui correspondent à des exercices compris entre la vitesse au seuil d'accumulation du lactate sanguin et la vitesse maximale aérobie :
- semblent. induire un développement de la vitesse maximale aérobie (Mikessel et Dudley, 1984) ;
- permettent de développer de façon optimale la production conjointe et simultanée d'énergie aérobie et anaérobie (Capelli et al. 1998).
De plus, l'utilisation des charges de type aérobie et mixte permet de maintenir les adaptations de. L’entraînement antérieur. En effet, un arrêt complet de l'entraînement pendant une durée de deux à dix semaines a pour conséquences (Coyle et al., 1984 ; Houston el al., 1979 Klausen et al., 1981 Mujika et Publia, 2000) :
- une chute progressive et significative de la consommation maximale d'oxygène ;
- un recul du seuil anaérobie à un niveau donné de la V02.„ ;
- une diminution significative des enzymes musculaires
- une augmentation de la fréquence cardiaque de repos, de l'utilisation du glycogène et du lactate sanguin pour une intensité d'exercice identique.
Les charges spécifiques de catégories anaérobies lactiques conduisent à un développement des qualités de l'endurance musculaire (Neufer, 1989), de la technique gestuelle (Terrain, 2000) et de la puissance métabolique (Capelli et al., 1998), qualités considérées comme essentielles à la mise en oeuvre et au maintien d'une vitesse élevée pendant toute la durée de la course (Terrain, 2000). Plusieurs travaux ont insisté sur la nécessaire progressivité des différentes charges (Platonov, 1988 ; Werchoschanski, 1992). En effet, il a été constaté qu'une augmentation trop brutale des charges de type mixte, et de type anaérobie pouvait conduire à une rupture du processus adaptatif, susceptible d'amener au surentraînement (Platonov, 1988).
Le volume de la charge d'entraînement
Il existe une croyance dans le milieu sportif, qui est qu'il existe une relation très forte entre le volume d'entraînement et le niveau de performance. Les effets de la quantité ou du volume de travail sur les performances ont été largement étudiés (Costill et al., 1988, 1991 ; D'Acquisto et al., 1992 ; Davies et Knibbs, 1971 Hickson et al., 1982 Houmard et al., 1990 ; Lehmann et al., 1992 ; Marti et al.. 1988). Plusieurs travaux ont mis en évidence les effets positifs de la quantité de travail sur la performance. Pour des sujets entraînés, de nombreuses études ont mis en évidence une amélioration de la performance comme conséquence de l'augmentation du volume pour des nageurs adolescents (Stewart et Hopkins, 2000) et adultes (Magel et al., 1975 Wenger et Bell, 1986 ; Wakayoshi et al., 1993), des marathoniens (Hewson et Hopkins, 1995 ; Marti et al., 1988) et des skieurs de fond (Gaskill et al., 1999).
L'augmentation significative du volume moyen hebdomadaire d'une année à l'autre a aussi été rapportée chez des skieurs de fond entre 14 et 24 ans. Les effets positifs de la quantité de travail portent essentiellement sur :
- la stabilisation des habiletés motrices (Stewart et Hopkins, 2000)
- une amélioration de l'efficience (Wakayoshi et al., 1993) ;
- une amélioration de la capacité oxydative des muscles associée à un recul de l'accumulation du lactate sanguin (Cunningham et al., 1979 ; Gorostiaga et al., 1991).
Enfin, la réalisation d'un volume de travail élevé permettrait de solliciter les processus d'adaptation à long terme et d'assurer une élévation différée du niveau de performance (Counsilman et Counsilman, 1991 ; Werchoschanski, 1992a).
À l'inverse, de nombreux travaux ont remis en questions les effets d'un volume de travail élevé. Costill (1988, 1991) montre qu'un entraînement aérobie de natation de 10 km n'est pas plus efficace qu'un entraînement de type intensif réduit de moitié, et ce à court (dix jours), moyen (six semaines) et long terme (deux mois).
Le travail (le Mujika (1995) parvient à des conclusions similaires en montrant, à partir de l'étude de dix-huit nageurs élite, une absence de corrélation entre le volume de travail et l'amélioration de la performance au cours d'une saison sportive.
Pour des skieurs de fond. Gaskill et al. (1999) ont suggérés qu'un entraînement strictement composé de volume aérobie pouvait conduire à un plateau de performance de la consommation maximale d'oxygène et du seuil aérobie-anaérobie. Il est fréquemment rapporté dans la littérature (Platonov, 1988) l'intérêt d'une alternance des années à dominante volume avec des années à dominante intensité. Les conséquences négatives d'un volume trop important semblent multiples. Tout d'abord plusieurs travaux soulignent les risques d'un surentraînement dans le cas de périodes de travail trop prolongées sans période de récupération (Eichner, 1995 ; Fry et al., 199 l a ; Morton, 1991).
Ce type de surentraînement dit parasympathique se traduit par une baisse de la puissance musculaire, un épuisement des réserves énergétiques musculaires (Costill et al., 1988) et une perturbation du système nerveux et immunitaire (Bille et al., 1999 ; Kirwan et al., 1988 ; Mackinon, 1997). De plus, la technique devient différente de celle utilisée en compétition (Terrain, 2000). Enfin un entraînement exclusivement aérobie conduit à une baisse de la puissance musculaire et de la vitesse (Costill et al., 1988).
L'existence d'un seuil de volume optimal individuel a été fréquemment évoquée ( Counsilman, 1990 ; Hellard et al., 2004 ; Lehmann et al., 1992 ; Werchoschanski, 1992). Ce seuil étant atteint, il est préconisé d'agir sur la répartition des charges et sur leur organisation (Krug et al., 2001 ; Werchoschanski, 1992). Les caractéristiques de ce seuil semblent dépendre de la nature des processus individuels de l'adaptation et de la récupération (Banister et al., 1999 ; Morton, 1997) et de l'aptitude de base (Davier et Knibbs, 1971 ; Pollock, 1973 ; Wenger et Bell, 1986). Werchoschanski (1992) distingue par exemple les athlètes qui s'adaptent positivement à des charges très intensives et de durée limitée, de ceux qui s'adaptent positivement à des charges peu intensives et de durée prolongée.
Ainsi Pyne (1996) distingue quatre types d'athlètes :
- les « chevaux de bois »
- Athlètes ayant une aptitude et une vitesse réduites. Il s'agit d'athlètes commençant l'entraînement ou revenant de blessure ou de maladie ;
- les « fougueux »
- qui s'emballent : athlètes ayant une aptitude réduite mais une vitesse impor-tante. Il s'agit d'athlètes qui ont une vitesse naturelle et peuvent ne pas juger nécessaire de faire le même volume de travail que leurs coéquipiers (en particulier lors des étapes initiales du plan de carrière). Ces athlètes prennent le risque de n'avoir que des performances à court terme sans créer les bases d'une progression régulière vers le haut niveau ;
- les « chevaux de labour »
- ayant une aptitude élevée et une vitesse naturelle faible. Il s'agit souvent d'athlètes extrêmement impliqués/appliqués dans l'entraînement. Le risque pour ces athlètes peu doués naturellement consiste en des charges excessives. Toutefois dans les activités d'endurance et avec une programmation pertinente, ces athlètes peuvent réussir de grandes performances ;
- les « étalons »
- ayant une aptitude et une vitesse élevées. Il s'agit des athlètes ayant les chances les plus grandes de succès et de progression à long terme. À noter que certains entraîneurs pensent que les équipes composées de « chevaux de labour » et d'« étalons » forment le meilleur environnement.
La fréquence des séances d'entraînement
La fréquence des séances est un des paramètres du volume. Il est courant d'observer de dix à quatorze séances d'entraînement hebdomadaires chez les sportifs de haut niveau. Il semble que l'augmentation de la fréquence d'entraînement en parallèle du volume soit une priorité lors de la maturation sportive, en particulier au cours de la puberté dans les sports d'endurance (Bompa, 1987. 1989).
La progressivité de la fréquence d'entraînement est particulièrement importante pour les athlètes en phase de reprise d'entraînement (maladie, blessure) ou chez les jeunes. Malheureusement, les méthodes de quantification de l'entraînement font souvent l'impasse sur ce paramètre. Plusieurs travaux ont montré des relations positives de ce paramètre sur le gain de V02max (Wenger et Bell, 1986), de force isométrique (Graves et al.. 1988), et sur la performance sportive (Marti et al.. 1988). Une fréquence plus élevée pour un volume identique permettrait des adaptations plus qualitatives produisant un stress moins important (Fox et al., 1975).
Les études de Costill (1988, 1991), à l’inverse, concluent à une fatigue supplémentaire et des gains identiques pour des séances quotidiennes, comparées à des séances biquotidiennes.
L'intensité de la charge
L'intensité de l'entraînement a fréquemment été présentée comme le facteur le plus influent sur l'amélioration du niveau de performance (Shephard, 1968 ; Werchoschanski, 1992). L'énergie apportée par les systèmes anaérobies lactique et alactique représente approximativement 60 % pour les épreuves de 100 ni et 40 % pour les épreuves de 200 m en natation (Capelli et al., 1998 ; Toussaint et Hollandcr, 1994). Pour des sujets sportifs, Hickson et al. (1981) montrent une amélioration de la V02max une décroissance de la fréquence cardiaque et du lactate maximal à partir de la troisième semaine d'un entraînement à intensité élevé (90 à 100 % de la V02max.
Les travaux dans plusieurs disciplines sportives ont également rapporté une amélioration de la performance à partir d'un entraînement à intensité élevée chez des skieurs de fond (Gaskill et al., 1999 ; Rusko, 1987), des cyclistes (Neary et al., 1992) et des coureurs de demi-fond (Billat et al., 1999 ; Flynn et al., 1994 ; Mikessel et Dudley, 1984). Flynn et al. (1994) rapportent un allongement du temps limite à V02max après trois semaines d'entraînement associé à une augmentation de 30 % de l'intensité pour huit coureurs de fond de niveau régional. À noter que des améliorations de performance alors qu'il n'y a aucune modification des variables physiologiques mesurées en laboratoire sont aussi fréquemment rapportées (Acevedo et Goldfarb, 1989 ; Norris et Petersen,1998).
Pour des athlètes très entraînés en volume une intensification du travail est suggérée afin de provoquer une nouvelle amélioration des performances. En effet pour ce type d'athlètes de nombreux paramètres physiologiques tels que la VO2max semblent atteindre un plateau (Acevedoet Goldfarb, 1989 ; Daniels et al., 1978). L'importance d'un seuil d'intensité minimale situé autour de 50 % de la V02max apparaît nécessaire pour provoquer des adaptations cardio-vasculaires (Davier et Knibbs, 1971 ; Pollock, 1973 ; Wenger et Bell, 1986). Plusieurs auteurs considèrent qu'en dessous de ce seuil d'intensité, la quantité totale de travail et le coût énergétique total forment le facteur principal responsable des adaptations (Pollock, 1973).
i1 existe un consensus entre les différents travaux pour préconiser une programmation prudente des charges intensives (Fry et al., 1992 ; Morton, 1997 ; Platonov, 1987). Il a été suggéré que plus de 5-20 % de l'entraînement conduit à des intensités supérieures au seuil lactique induisait un risque important de surentraînement (Lambert et al., 1997). Une programmation trop importante, trop fréquente ou de durée trop longue conduit à un surentraînement pouvant devenir chronique dans le cas d'un défaut de récupération (Fry et al., 1992 ; Morton, 1997 ; Petitbois et al., 2002 ; Platonov, 1987). Ce type de fatigue dite orthosympathique se traduit par une stimulation du système sympathico-adrénergique (Hewson et Hopkins, 1996) et des perturbations hématologiques.
Kirwan et al. (1988) montre en effet qu'une augmentation de 100 % de la charge de travail pendant dix jours pour un groupe de douze nageurs de niveau régional conduit à une élévation des paramètres physiologiques du stress (cortisol, créatine kinase et catécholamines). Platonov (1987) souligne qu'un travail intensif trop fréquent risque de produire une détérioration des processus de biosynthèse. Mader (1988) confirme ce point de vue et rapporte qu'au-delà d'une certaine charge de travail les processus de synthèses protéiques sont altérés et ne permettent plus à l'organisme de s'adapter. Des altérations de l'équilibre immunitaire (Fry et al., 1992 ; Lehmann et al., 1991) et endocrinien (Bunt, 1986 ; Viru, 1995) ont également été rapportées après un entraînement intensif trop prolongé. Enfin, certains athlètes semblent mieux réagir à un travail intensif comparativement à d'autres (Costill et al., 1988 ; Gaskill et al., 1999 ; Kirwan et al., 1988).
L'interaction entre les différentes types de charge d'entraînement
Plusieurs chercheurs ont avancé l'hypothèse que l'application simultanée de charges de travail de catégories différentes permettait d'entraîner des fonctions physiologiques diverses dans un rapport correspondant à celui de la performance (Capelli et al., 1998 ; Matveiv, 1980 ; Toussaint et Hollander, 1994). Ce mode d'organisation du travail a été notamment décrit comme le plus efficace (Platonov, 1988 ; Werchoschanski, 1992). Plusieurs études scientifiques confirment ce point (le vue et mettent en évidence une amélioration plus importante des capacités de force au cours d'un travail simultané de force et d'endurance comparativement à un travail séparé de ces deux qualités musculaires (Nakao et al., 1995 ; Nelson et al., 1990). En cyclisme la performance est apparue également améliorée par un travail de force associé à un travail en endurance pour des sujets sédentaires (Hickson et al., 1980) et des cyclistes élite (Hickson et al., 1988). Le gain de performance a été majoritairement attribué à l'augmentation de l'endurance locale et de la force musculaire (Hickson et al., 1988).
Néanmoins, l'association de charges de travail de natures différentes a montré dans certains cas des effets négatifs. Nelson et al. (1990) ont remarqué une moindre augmentation de la VO2max chez des sujets entraînés simultanément en endurance et en force par rapport à des sujets entraînés en endurance seule. La force à haute vélocité de mouvement semblerait également altérée par un travail simultané en endurance et en force (Hickson et al., 1980).
Pour Platonov (1988) et Werchoschanski (1992) certaines charges de travail pourraient être favorablement associées et provoqueraient des effets positifs sur l'organisme et la performance, au contraire de certaines associations négatives. De façon similaire, pour ces mêmes auteurs, l'ordre de succession des charges de travail exerce des effets différenciés, positifs ou négatifs, sur la performance. Bell et al. (1988) confirment ce point de vue et montrent sur une population de seize rameurs en aviron que les performances en endurance et en force-vitesse étaient meilleures dans le cas où l'entraînement en force précédait l'entraînement en endurance. Werchoschanski (1992), dans le cas du développement de l'endurance musculaire locale, généralise ces conclusions à l'ensemble des disciplines cycliques pour lesquelles il propose que les cycles de travail de force précèdent les cycles de travail en endurance.
La répartition des charges d'entraînement
De nombreuses publications soulignent que la répartition cohérente des charges et des cycles de travail constitue l'un des principes de base de la planification (Balyi, 1994 ; Bompa. 1983, 1987 ; Fry et al., 1992 ; Matveiv, 1980 ; Platonov, 1988 ; Tschiene, 1985 ; Werchoschanski, 1992). Cette répartition est rendue nécessaire afin de tenir compte de l'inertie différente d'épuisement pour chaque système biologique, et de la durée de maintien propre à chacune des qualités (Werchoschanski, 1992).
Plusieurs travaux (Werchoschanski, 1992 ; Olbrecht, 2000) ont ainsi mis en évidence des durées de développement spécifiques aux qualités développées. Des recherches récentes (Boulgakova et al., 2000) ont souligné que la relation entre les charges d'entraînement et les capacités spécifiques se modifie au cours du temps selon une fonction logistique du type :
Par exemple, les charges de travail qui provoquent une sollicitation importante des systèmes de régulation centrale (système nerveux et hormonal) conduisent à une fatigue beaucoup plus rapide et profonde que les charges de travail qui sollicitent les systèmes de régulation locale (système musculaire). Dans le cas d'un travail portant sur le développement simultané d'un ensemble de qualités, Werchoschanski (1992) indique une durée optimale de développement de l'endurance de la force aérobie allant de deux à trois mois, de l'endurance de force spécifique anaérobie entre deux et quatre semaines, du travail mixte de deux mois et de l'entraînement anaérobie de trois mois.
De même, la durée de maintien des acquisitions à la suite d'un arrêt des charges semble spécifique au type de qualité développé. Un arrêt des charges durant une période de quatre à six semaines semble provoquer une baisse du niveau de performance chez des athlètes d'endurance (Coyle et al., 1985 ; Houmard et al., 1992), au contraire des athlètes des disciplines de force qui stabilisent leurs performances (Mujika et Padilla. 2000). Ainsi, les cinétiques de diminution de la VO2 mesurée à des intensités sub-maximales et d'une des principales enzymes oxydatives sont présentées ci-dessous.
Effet du désentraînement pendant 84 jours chez des athlètes d'endurance. (D'après Coyle, 1995.)
Mujika et al. (1995) ont montré que les nageurs qui amélioraient leurs performances d'une saison à l'autre étaient caractérisés par un moindre désentraînernent durant la période de transition interannuelle comparativement aux nageurs qui n'amélioraient pas leurs performances.
Une grande partie des principes de planification des charges de travail est fondée sur la prise en compte des effets d'interaction entre les différentes charges d'entraînement. Pour Werchoschanski (1992), l'efficacité des charges dépend de leur succession adéquate, de telle sorte que les effets retardés de la première charge provoquent des conditions favorables à la réalisation de la seconde charge. Ce même auteur décrit les effets différés à long terme comme l'un des principes de base de la planification des charges. L'organisation du travail au cours du cycle annuel est généralement décrite comme la succession de deux demi-saisons de quatre périodes (Bompa, 1987 ; Platonov, 1988 ; Werchoschanski, 1992). La première période, dite de préparation, est constituée d'un entraînement de volume important. Cette période a pour objectif d'élever le niveau d'aptitude général des athlètes pour préparer l'entraînement ultérieur qui vise l'amélioration des capacités spécifiques (Platonov, 1988). La seconde période, dite de compétition, consiste à développer les qualités spécifiques à l'épreuve préparée. La période d'affûtage a pour objectif de permettre une récupération et une élévation de la capacité de performance. Enfin la période. de transition permet une régénération de l'organisme.
En pratique
Une programmation contrôlée de l'entraînement devrait permettre de réaliser la performance maximale pour les compétitions majeures de la saison. Les préconisations en matière de programmation de l'entraînement soulignent l'importance des macrocycles dits de base ou préparatoires afin de développer les bases indispensables à l'entraînement spécifique ultérieur (Platonov, 1988).
À l'échelle du cycle annuel il a été souligné l'intérêt d'une programmation de l'entraînement fondée sur l'alternance des années à dominante volume et des années à dominante intensité (Gaskill et al., 1999 ; Platonov, 1988). À partir de l'étude de soixante-dix saisons sportives chez vingt-deux nageurs élite, Hellard et al. (2006. 2007) ont mis en évidence que l'optimisation des compétitions majeures de la saison était obtenue par la réalisation d'un macrocycle de préparation spécifique court (huit à douze semaines), alternant des périodes de charge de trois semaines et des périodes de récupération relative d'une semaine. L'objectif des périodes d'entraînement intensif situées quatre à huit semaines avant les périodes compétitives est de maximiser les bénéfices des adaptations physiologiques à long terme (Mujika et al., 2003 ; Avalos et al.. 2003 : Thomas et Busso, 2005 ; Hellard et al., 2005).
Plusieurs travaux (Hellard et al., 2005a, 2006 ; Thomas et Busso, 2005) ont en effet montré que la charge d'entraînement la plus élevée devait durer deux à trois semaines et être située six à huit semaines avant les compétitions principales. Cependant la programmation de cette période de six à huit semaines demande à être individualisée selon les athlètes (Mujika et al., 2003 ; Avalos et al., 2003 ; Hellard et cd., 2005). En effet Avalos et al. (2003), en étudiant les trois périodes à long terme (semaines 6, 7 et 8 précédant les compétitions), à moyen terme (semaines 3, 4 et 5) et à court terme (semaines 1 et 2), ont montré que la préparation des nageurs sprinters âgés demandait une réduction de la charge d'entraînement durant ces trois périodes alors qu'à l'inverse la préparation des nageuses jeunes de demi-fond était plus efficace dans le cadre d'un maintien de la charge jusqu'à la compétition.
Pour les nageurs de 200 et 400 m le schéma optimal était une charge élevée durant la période à long terme, moyenne durant la période à moyen terme et faible durant la période à court terme.
Durant les deux à trois dernières semaines (période d'affûtage), l'objectif est de maintenir, voire de potentialiser par surcompensation (Werchoschanski et al., 1992) les adaptations physiologiques obtenues durant l'entraînement intensif, tout en réduisant les impacts négatifs de l'entraînement tels que la fatigue (Mujika et al., 2000). Il est généralement préconisé de maintenir la fréquence de l'entraînement et l'entraînement à haute intensité (supérieur au seuil d'accumulation des lactates sanguins) tout en réduisant d'environ 50 % l'entraînement à basse intensité et de force (Mujika et al., 2003 ; Hellard et al., 2006). Les gains de performance sont généralement compris dans la fourchette de 0,5-6,0 % (Mujika et al., 2003 ; Thomas et Busso, 2005 ; Hellard et al., 2005, 2006). Mujika et al. (2003) ont rapporté une amélioration moyenne de la performance de 2,2 % durant les trois semaines d'entraînement conduisant aux jeux Olympiques de Sydney de 2000, indépendamment de l'épreuve, du pays ou du niveau de performance. Bien qu'il ait été montré que les affûtages progressifs non linéaires sont plus performants que les affûtages en escalier (Mujika et al., 2003), les réponses à l'affûtage seraient surtout fortement individualisées selon l'âge, la spécialité et le type de répondeurs (Avalos et al., 2003 ; Mujika et al., 2003).
La figure ci-dessous résume les préconisations pour la préparation des nageurs de 100, 200 et 400 nl.
Schéma de programmation de deux cycles de huit semaines conduisant à la préparation de compétitions majeures.