La quantification s'effectue quotidiennement en utilisant un paramètre significatif de l'activité, facile à relever et exprimé en UA. Le paramètre est choisi en fonction du type d' activité. dans les sports d'endurance, la quantification sous forme de trimps (Training impulse, qui correspond au produit de la durée de l'exercice par la fréquence cardiaque) a été utilisée avec des nageurs (Banister et al., 1975 ; Calvert et al., 1976), des coureurs (Banister et Hamilton, 1985), des skieurs de fond (Candau es al., 1992) et des triathlètes (Banister et al., l 999 ; Millet et al., 2002, 2005).
Pour quantifier, on a aussi utilisé la distance parcourue multipliée par un coefficient d'intensité chez des nageurs (Mujika et al., 1996). Il est parfois nécessaire de quantifier des exercices différents (par exemple en triathlon, (Millet et al., 2002, 2005) ou pour comptabiliser la musculation à sec en natation (Mujika et al., 1996).
Dans les activités de puissance telles que le lancer de marteau (Busso et al., 1994) ou l'haltérophilie (Busso et al., 1990) la quantification peut s'effectuer par le produit du nombre de répétitions effectuées avec un coefficient d'intensité exprimé en % d'une répétition maximale (RM). L'objectif est d'obtenir la quantification la plus précise du travail d'entraînement réalisé chaque jour. Un jour sans entraînement est noté zéro UA. La quantification de l'entraînement représente une étape essentielle de la modélisation. Si la quantification est imprécise, la modélisation qui en résulte est approximative, voire fausse.
Mesurer la performance !
Il s'agit de quantifier la performance dans les conditions les plus proches de la compétition. Ceci est facile lorsqu'il s'agit d'un sprinter qui peut reproduire régulièrement un effort maximal, mais c'est évidemment impossible pour un marathonien pour qui il faut alors trouver un test de performance plus court mais qui reste cependant prédictif de la performance en marathon.
La compétition représente par ailleurs une charge d'entraînement et elle doit donc être aussi quantifiée en UA et comptabilisée comme charge d'entraînement.
Enfin, pour que les tests de performance n'interfèrent pas avec la dynamique d'entraînement ou pour des problèmes motivationnels chez les athlètes, ils ne peuvent pas être reproduits trop souvent. À l'inverse, le modèle sera d' autant plus valide qu'il intégrera un nombre suffisant de performances (Busso et Thomas, 2006).
Enfin, la performance représentant l'effet des entraînements antérieurs, elle doit être réalisée avant l'entraînement du jour.
Outre la relation entre l'entraînement et la performance sportive, la modélisation a permis également de mettre en évidence les effets de l'entraînement sur la variation des paramètres physiologiques du métabolisme aérobie ( VO7max, seuil ventilatoire, économie de course, Wood et al., 2005), des paramètres biologiques (fer sérique, Banister et Hamilton, 1985 ; testostérone et cortisol plasmatique, Busso et al. 1990 ; ferritine sérique, Candau et al., 1992) ainsi que des paramètres psychologiques (anxiété et fatigue perçue, Millet et al., 2005 ; fatigue ressentie, Wood et al., 2005)
Quelle relation entre entrainement et performance !
Elle utilise la convolution (méthode des moindres carrés) pour comparer la performance réelle et la performance modélisée. Sa validité dépend en grande partie du nombre de performances mesurées. Les auteurs s'accordent sur le nombre optimal de 30 prises de performance (même si de nombreuses études en présentent moins, autour d'une vingtaine). Ceci veut dire qu'avec une prise de performance par jour, indépendamment des séances d'entraînement, il faut compter 30 jours avant de pouvoir modéliser. Avec une prise de performance par semaine, il faut donc compter 30 semaines, soit environ 6 mois avant de modéliser. Cependant, la relation entraînement-performance varie dans le temps en fonction de l'entraînement (Busso et al. 1997) et donc une période de modélisation trop longue pose des problèmes méthodologiques, surtout si l'on utilise le modèle des constantes d'amortissement fixes pendant toute la période étudiée.
Au total, on peut raisonnablement considérer qu'une prise de performance tous les 2 jours ou deux fois par semaine représente un bon compromis. La convolution s'effectue en testant statistiquement l'existence d'une à plusieurs fonctions de transfert de premier ordre et en retenant les fonctions qui présentent un coefficient de détermination r2 élevé. C'est ainsi que le modèle avec deux fonctions de transfert de premier ordre antagonistes « forme » et « fatigue » s'est imposé comme le plus fiable et qu'il a été validé chez le sujet sédentaire et le sportif (Busso et al. 1991). Ce modèle diffère d'autres modèles avec une (Candau et al. 1992) ou trois fonctions de transfert de ter ordre (Calvert et al. 1976). Il permet d'obtenir un bon ajustement entre la performance modélisée et la performance réelle et il décrit donc correctement la relation entraînement-performance chez la plupart des sujets.
Quelques aspects paratiques :
Banister et al. (1985) ont modélisé l'entraînement de 5 coureuses en endurance pendant une période de 300 jours. Le but de l'étude était de mettre en relation les effets de l'entraînement sur les paramètres hématologiques (l'anémie des sportives et le traitement anti-anémique), afin de définir et de calculer l'effet de fatigue produit. Les résultats ont montré que le nombre des globules rouges sanguins, le taux d'hémoglobine, le fer sérique, la capacité totale de transport du fer et le pourcentage de saturation de la ferritine variaient en phase avec la fatigue, contrairement à la ferritine sérique. Les auteurs suggèrent que la supplémentation en fer au cours d'un entraînement lourd et fatigant n'est pas utile puisque la saturation de la transferrine est élevée à ce moment et donc inefficace pour l'absorption du fer apporté en complément chez la sportive.
Candau et al. (1992) ont aussi étudié les modifications hématologiques chez des skieurs de fond réalisant 7 h d'entraînement par semaine pendant une saison de 33 semaines. Le profil du système de réponse à l'entraînement (SRE) a été déterminé par convolution entre la quantité d'entraînement et une fonction de transfert de fer ordre. Des régressions linéaires ont permis de déterminer les coefficients de corrélation entre le SRE et les paramètres sanguins de l'homéostasie du fer. Les résultats ont mis en évidence une corrélation entre le SRE et les modifications du taux de ferritine sérique, ainsi qu'entre le SRE et le volume globulaire moyen (VGM) des globules rouges sanguins. Le taux de ferritine sérique diminuait et le VGM augmentait avec l'entraînement. Les auteurs suggèrent que l'augmentation du VGM en réponse à l'entraînement intensif traduit l'apparition dans le sang de jeunes érythrocytes.
Busso et al. (1990) ont appliqué un modèle à deux composantes (forme et fatigue) chez 6 haltérophiles élites pendant une période d'entraînement de 1 an. Le but de l'étude était de valider le modèle en comparant les niveaux de fatigue estimés avec des paramètres biologiques : testostérone sérique, rapports testostérone/cortisol et testostérone/globuline porteuse des hormones sexuelles. Les résultats ont mis en évidence une corrélation significative entre les performances prédites et les performances réelles chez tous les sujets. Le meilleur résultat était obtenu par la comparaison de la forme avec le niveau de testostérone sérique (r = 0,79, P < 0,001 pour tout le groupe). Les auteurs considèrent que l'évaluation de la forme présente une justification physiologique. Par contre, la justification physiologique de la fatigue demeure à préciser.
Mujika et al. (1996) ont modélisé les effets de l'entraînement sur la performance et étudié la réponse à l'affûtage de 18 nageurs élites en utilisant un modèle mathématique conventionnel à deux fonctions de transfert positive (TP) et négative (TN). Les variations d'entraînement, de performance, TP et TN ont été étudiés pendant 3, 4 et 6 semaines d'affûtage. Les résultats ont montré une corrélation entre les performances prédites et les performances réelles chez 17 nageurs (r compris entre 0,45 et 0,85 ; P < 0,05). La performance augmentait significativement pendant les deux premières périodes d'affûtage (P < 0,01), et elle augmentait non significativement pendant la troisième période.
TN diminuait significativement pendant les deux premières périodes, mais non pendant la troisième. TP ne changeait pas significativement pendant les 3 périodes.
Les auteurs ont conclu que l'amélioration de la performance pendant l'affûtage était due à la diminution de la fonction fatigue, alors que dans le rnême temps la fonction positive n'augmentait pas, mais qu'elle n'était pas compromise par la diminution de l'entraînement.
Millet et al. (2002) ont étudié les effets de 40 semaines d'entraînement en natation, cyclisme et course à pied sur la performance en natation et course à pied en compétition de triathlon chez 4 triathlètes élites. Un modèle mathématique utilisant une à trois fonctions de transfert de 1" ordre a permis d'étudier la relation entre la performance modélisée et la performance réelle par la méthode des moindres carrés. Les résultats ont montré que la relation entre l'entraînement et la performance en natation était significative, (r = 0,37 ; P = 0,03). Il en était de même avec la course à pied (r = 0,74 ; P < 0,001), confirmant le principe de spécificité des charges d'entraînement. Un effet d'entraînement croisé a été observé entre le cyclisme et la course à pied (r = 0,56 ; P < 0,001), mais non avec la performance en natation. Enfin, la charge d'entraînement réalisée en course à pied présentait un effet majeur sur la performance en triathlon (r = 0,52 ; P <0,01), traduisant le fait que l'entraînement en course à pied constitue une part essentielle de la performance en triathlon. Les auteurs concluent que la natation apparaît comme une activité hautement spécifique dont les variations de performance ne sont pas influencées par l'entraînement dans les autres activités (i.e. cyclisme et course à pied). De même, l'entraînement en natation n'influence pas les réponses en cyclisme ou course a pied. Au contraire, un effet d'entraînement croisé existe entre l'entraînement en cyclisme et la performance en course à pied chez les triathlètes élites. Un effet d'entraînement croisé similaire ne semble pas exister pour la performance en natation.
Avalos et al. (2003) ont modélisé la relation entre l'entraînement et la performance chez 13 nageurs de compétition sur une période de trois saisons sportives, en utilisant un modèle linéaire mixte au lieu du modèle de Banister. L'effet de l'entraînement sur la performance a été étudié en fonction de trois périodes : à court terme (CT, moyenne des charges d'entraînement des 2 semaines précédant chaque performance), à moyen terme (MT, moyenne des charges d'entraînement des 35, e et 5' semaines précédant chaque performance) et à long terme (LT, moyenne des charges d'entraînement des 6e, 7e et 8e semaines précédant chaque performance). Les résultats ont mis en évidence une corrélation entre la performance réelle et la performance modélisée (r2 = 0,15¬0,65 ; P < 0,0 1 ). Ils ont montré l'existence de quatre groupes de nageurs en fonction de la réponse à l'entraînement le I e groupe répond bien au LT, le r groupe au LT et MT, le 3e groupe au CT et MT et le 4e groupe aux différentes périodes combinées. L'influence du CT s'est révélée négative sur la performance pour les 4 groupes. Les MT et LT ont montré en moyenne un effet positif sur la performance pour 3 groupes. Entre les saisons sportives I et 3, les effets du MT diminuaient alors que les effets du LT augmentaient. Les auteurs ont conclu que la relation entre l'entraînement et la performance variait au cours des trois saisons sportives et que des protocoles d'entraînement spécialisés pouvaient être prescrits sur la base des résultats de leur modèle.
Busso (2003) a proposé un modèle non linéaire pour étudier les effets de l'entraînement sur la performance. La comparaison de cc nouveau modèle a été faite avec des modèles publiés antérieurement dans la littérature. Les résultats ont montré que ce nouveau modèle donnait une correspondance meilleure significativement avec la performance réelle réalisée par chacun des six sujets de l'étude. Les données obtenues ont permis de considérer l'existence d'une relation en forme de U inversé entre la quantité quotidienne d'entraînement et la performance.
Thomas et Busso (2005) ont étudié les facteurs de l'entraînement qui affectent l'efficacité de l'affûtage. L'analyse a été faite avec un modèle non linéaire donnant une quantité optimale d'entraînement quotidien (QOE). Six sujets ont participé à l'étude en effectuant un entraînement de 15 semaines incluant trois semaines sans entraînement. Après un entraînement de niveau stable égal à QOE, l'affûtage était simulé par des réductions d'entraînement en paliers jusqu'à 100 % de l'entraînement initial. Une période de surentraînement était ensuite réalisée par une augmentation de 20 % de l'entraînement pendant 28 jours avant l'affûtage. Finalement, l'affûtage avec une réduction en palier était comparé avec l'affûtage avec une réduction progressive. Les résultats ont montré qu'un plus grand volume et/ou intensité d'entraînement avant l'affûtage permettait d'obtenir un gain plus important de performance, mais qu'il nécessitait une réduction plus grande et pendant une période plus longue de la charge d'entraînement. Les auteurs soulignent l'importance des adaptations à l'entraînement pendant la période d'affûtage, en complément de l'élimination de la fatigue.
Millet et al. (2005) ont complété leur étude de 2002 en étudiant l'effet d'un entraînement de 40 semaines sur l'anxiété et la fatigue perçue chez 4 triathlètes élites. L'anxiété et la fatigue perçue étaient relevées par les sujets deux fois par semaine à l'aide d'un questionnaire spécifique. Elles étaient ensuite mises en relation avec les charges d'entraînement calculées à partir de la fréquence cardiaque (trimps). Les résultats ont montré l'existence d'une relation significative (r = 0,32 ; P < 0,001) entre l'anxiété et les charges d'entraînement en utilisant un modèle à deux composantes : une fonction négative à court terme (i.e. diminution de l'anxiété, t = 23 jours) et une seconde fonction positive à long terme (t = 59 jours). La relation entre la fatigue perçue et les charges d'entraînement était significative (r = 0,30 ; P < 0,001) avec une seule fonction négative (t = 4 jours). Les auteurs suggèrent que les relations entre l'anxiété ou la fatigue perçue avec les charges d'entraînement peuvent améliorer l'ajustement de la durée de l'affûtage et la détection précoce d'un état de saturation.
Wood et al. (2005) ont étudié les corrélations des composantes positive et négative d'une modélisation de l'entraînement chez un coureur de moyenne distance bien entraîné. Chaque composante comprenait un ensemble de paramètres évalués par la correspondance entre la performance prédite par le modèle et la performance mesurée chaque semaine pendant une période d'entraînement de 12 semaines. Les résultats ont montré que la composante « forme » du modèle était corrélée avec la VO,max (ml.min- 1 .kg- 1), l'économie de course (V07 à 17 km.11-1) et la vitesse de course au seuil ventilatoire (km.h-1). La composante « fatigue » du modèle était corrélée avec le sous- ensemble de la fatigue du questionnaire POMS. La correspondance entre la performance du modèle et la performance réelle était significative (r2 = 0,92, P < 0.01). Les auteurs notent que les résultats de leur étude vont dans le sens des études antérieures sur l'intérêt des marqueurs biochimiques et hormonaux de la forme et de la fatigue.
Hellard et al. (2006) ont réalisé une analyse statistique du modèle de Banister pour vérifier que ce modèle pouvait être utilisé comme outil de contrôle du programme d'entraînement chez des nageurs élites. La précision, le dysfonctionnement et la stabilité du modèle ont été étudiés. Les charges d'entraînement de neufs nageurs élites ont été mesurées pendant une saison et mises en relation avec les performances selon le modèle de Banister. Les performances étaient corrélées aux charges d'entraînement pour tous les sujets (r2 = 0,79 ; P < 0,05). Toutefois, l'intervalle de confiance de 95 % des paramètres du modèle était trop large pour permettre son utilisation comme outil de suivi des nageurs.
De plus, des paramètres du modèle étaient hautement corrélés, rendant leur interprétation sans valeur. Les auteurs suggèrent différents moyens pour résoudre ces problèmes et passent en revue les méthodes alternatives pour modéliser les relations entre l'entraînement et la performance.